Principe
Depuis l'été 2013, une équipe pluridisciplinaire coordonnée par l’Ifremer fait appel au grand public pour la signalisation de tous phénomènes inhabituels dans l’apparence de l’eau de mer potentiellement liées aux microalgues (eaux colorées, mousses abondantes, mortalité d'espèces ).
Pourquoi étudier les microalgues ?
Les microalgues jouent un rôle écologique et économique essentiel dans les écosystèmes côtiers.
Situées à la base de la chaîne trophique océanique, elles constituent le régime alimentaire de nombreux herbivores et filtreurs (tels que les coquillages), qui à leur tour sont consommés par des carnivores (consommateurs secondaires). Ceci leur confère un fort impact économique (conchyliculture, pêcherie).
Les microalgues représentent le poumon de notre planète grâce à leur activité photosynthétique, qui produit plus de la moitié de l’oxygène atmosphérique.
Les proliférations saisonnières de certaines espèces de microalgues (parfois toxiques pour la faune marine ou l’homme) peuvent traduire des déséquilibres des écosystèmes océaniques (température de l’eau et de l’air, salinité, nutriments, courants marins…).
La recherche sur les microalgues
Le rôle écologique des microalgues a ainsi motivé la recherche pour étudier et surveiller ces organismes :
- Les microalgues sont de bons indicateurs de la qualité des eaux. La présence de certaines espèces et leur abondance dans un milieu donné vont dépendre des conditions physico-chimiques de l’environnement. Identifier les espèces présentes dans ce milieu pourra donc apporter des informations sur l’état écologique des eaux.
- Les satellites peuvent détecter grâce à la couleur de l’eau de mer la teneur en chlorophylle des eaux de surfaces. Grâce à cela, il est possible d’évaluer la concentration en phytoplancton dans toutes les eaux du globe. Aujourd’hui, il est même possible de déterminer par imagerie satellitaire certaines espèces de plancton en fonction de la couleur de l’eau et de repérer les efflorescences.
- L’étude de la biodiversité et de l’écologie du phytoplancton a pour but de prévoir les apparitions d’efflorescences algales, à l’échelle de certaines populations ou de groupes d’espèces.
- Les facteurs responsables des efflorescences de microalgues sont encore mal connus, il est donc essentiel de pouvoir les identifier et les analyser pour chaque espèce.
La biodiversité des microalgues est un sujet d’étude complexe. D’une part car il existe un très grand nombre d’espèces, dont environ 5000 ont été identifiées dans le milieu marin (contrairement à plus de 14 000 en eaux douces) et bien plus restent à découvrir. D’autre part, en raison du cycle de vie court de ces microorganismes et de leur sensibilité aux facteurs environnementaux et à l’activité humaine.
Qu'est-ce que Phenomer ?
L’étude de la biodiversité et de l’écologie des microalgues passe en priorité par l’acquisition de données de terrain et le relevé de paramètres chimiques (pH, oxygène dissous), physiques (matière en suspension, température) et biologiques (chlorophylle). Le projet Phenomer s’appuie sur l’observation et l’engagement des citoyens à travers deux actions :
- La constitution d’un réseau de signalement des phénomènes inhabituels dans l’apparence de l’eau de mer, liés aux proliférations de microalgues (eaux colorées, mousses abondantes, mortalité massive de poisson). Le grand public est ainsi sollicité afin de signaler toute prolifération excessive de microalgues. Bien qu’elles soient microscopiques, les microalgues deviennent parfaitement visibles à l’œil nu en cas de forte prolifération. Lorsque la densité en microalgues est extrêmement élevée l’eau de mer va prendre des teintes vertes, rouges ou brunes, phénomène connu sous le nom «d’eaux colorées». Ce réseau devrait permettre une plus grande rapidité d’action, de la part des scientifiques et des institutions en charge de la surveillance, pour effectuer des prélèvements d’eau de mer et les analyser au plus vite. Ce réseau, déployé le long des côtes bretonnes depuis le printemps 2013, s’étendra dans un second temps à l’ensemble des côtes françaises.
- Ce projet inclue également une action pédagogique et scientifique en partenariat avec le Collège des îles du Ponant. Dès la rentrée 2014, plusieurs classes s’impliqueront dans Phenomer en effectuant des prélèvements de microalgues, suivant une méthode scientifique : toutes les quinze jours, au même endroit, ils prélèveront des échantillons d’eau de mer avec du matériel spécialisé et un protocole scientifique. Ces prélèvements seront ensuite analysés par les chercheurs de l’Ifremer et leurs partenaires. Cette démarche permettra d’acquérir, avec une grande régularité, de nombreuses données sur le phytoplancton, dans des zones dégagées des influences continentales et de l’activité humaine. Ces nouvelles données seront comparées à celles de sites plus côtiers.
Pour mener à bien ces deux actions, une équipe pluridisciplinaire constituée de scientifiques (biologie, sciences humaines et sociales), d’associations naturalistes et d’éco-exploration marine s’est mise en place.